Le décret n° 2008-79 du 24 janvier 2008 abrogeant le décret n° 54-1163 du 19 novembre 1954 pris pour l'application de la loi du 1er août 1905, en ce qui concerne les bouillons et potages NOR: ECEC0769008D vient d'être publié au JORF (26.1.2008, texte n° 15).
Ce décret ne comporte qu'un article (à part l'article exécutoire) qui dit ceci:
Article 1
Le décret n° 54-1163 du 19 novembre 1954 pris pour l'application de la loi du 1er août 1905, en ce qui concerne les bouillons et potages, est abrogé.
Le décret ne comporte, évidemment, aucun considérant : en France, l'exécutif n'a pas à motiver ses actes....
Nous n'en saurons donc pas plus sur les raisons de l'abrogation, en janvier 2008, d'un décret de 1954. Ni sur l'existence éventuelle de dispositions normatives tendant à le remplacer.
Heureusement, s'il n'y a pas de considérants, il existe des visas : la base juridique de ce décret pourrait ainsi vraisemblablement être issue des seuls actes législatifs visés : le code de la consommation, notamment ses articles L. 214-1 et L. 214-2.
Allons donc y voir : l'article L. 214-1 prévoit que les mesures d'exécution des chapitres II à VI du titre I sont pris par des décrets en Conseil d'Etat ;quant à l'article L. 214-2, il prévoit que les infractions à ces décrets seront punies comme contraventions de 3e classe.
On mesure ainsi combien ces seules références normatives nous auront considérablement fait progresser sur le plan de la compréhension de la mesure en cause et de sa raison d'être.
Ne soyons pas trop durs, le second visa concerne un avis de l'AFSSA du 12 février 2007 (donc datant de près d'un an.., mais il faut du temps pour publier un décret).
Cet avis de l'AFSSA (non publié au JORF, mais accessible sur le site de l'AFFSA) nous apprend que l'agence a été saisie d'une demande de la DGCCRF pour abroger le décret n° 54-1163 et qu'il est prévu, dès lors, que la fabrication des bouillons, potages et consommés soit soumise aux mesures prévues par le code de bonnes pratiques de fabrication de ces produits.
Un tel code est publié en France par le Syndicat national des fabricants de bouillons et potages (SNFBP) et a fait l'objet d'une révision en septembre 2005 : il tiendrait ainsi compte de l'adoption en juillet 2001 de la norme révisée du Codex alimentarius, et sa prise en compte par le code européen des bouillons et consommés révisé en mars 2003.
D'ailleurs, dans un courrier adressé au SNFBP le 13.9.2005, la DGCCRF a précisé que "le code de bonnes pratiques de fabrication pourra servir de référence lors des contrôles qui seront effectués par les agents de la DGCCRF".
Ainsi, un décret en Conseil d'Etat est abrogé, pour se trouver remplacé de fait par un code publié par les industriels du secteur.
Après tout, pourquoi pas, d'autant plus que les dispositions de ce code ont dû être validées par la DGCCRF et tiendraient compte des normes internationales et européennes.
Sauf que l'AFSSA fait observer, dans son avis, que, s'agissant de la teneur en sel, le décret de 1954 prévoyait une quantité maximale de 10 g/litre (article 1er). Et le code du SNFBP indique (§ 3.3.2) une teneur maximum de 12,5 g/litre. On peut relever aussi que, pour les hydrolysats de protéines destinés à la vente au détail (arômes, condiments, assaisonnements), la teneur maximum en chlorure de sodium est de 50%.
Or l'AFSSA, qui, dans le cadre de la politique de Santé publique, a souhaité la mise en place de mesures visant à une réduction progressive de la consommation moyenne de sel en France, avait émis des recommandations d'abaissement de la teneur en sel de certains aliments vecteurs - notamment les bouillons et potages (le groupe des "soupes" représente le 3e contributeur de l'apport de sodium et de sel).
Et le nouveau dispositif a ainsi pour conséquence d'élever de 10 à 12,5 g/litre la teneur en sel autorisée dans les bouillons et consommés...
Mais tout cela, il a fallu le chercher : aucun considérant n'aura éclairé le consommateur français sur le contexte de ce décret récent qui ne fait, formellement et explicitement, qu'abroger un vieux décret de 1954.
PS. Cette note n'a aucunement l'ambition de retracer le détail des normes applicables aux bouillons et potages, qui comportent bien évidemment d'autres aspects que la teneur en sel. En particulier, si le décret de 1954 abrogé évoquait la "teneur en azote", le code de bonnes pratiques a un objet plus étendu et est ainsi considérablement plus détaillé, par exemple en ce qui concerne les teneurs en viande (et en créatinine) ; et, bien sûr, il comporte des définitions en ce qui concerne les ingrédients mis en oeuvre, les modes de présentation, les facteurs essentiels de composition et de qualité, les dénominations de vente et autres mentions d'étiquetage.
Il existe par ailleurs, en tout état de cause, des textes réglementaires plus généraux (français et/ou communautaires) relatifs, notamment, aux additifs dans les denrées alimentaires, ou à l'étiquetage des denrées alimentaires, qui sont bien évidemment applicables.
Une analyse fort complète de ce code a été publiée par Alain Soroste, dans le mensuel "Option Qualité" n° 244 de décembre 2005, pp. 17-20.
re-PS (31 janvier)
Décidément, cette note est curieusement liée à l'actualité.
Le Monde, dans son édition du 29 janvier, publie un interview d'André Cicolella, chercheur en santé environnementale à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) et père de la fondation Sciences citoyennes, qui demande une loi pour protéger les lanceurs d'alerte (voir sur ce point ma note du 30 octobre dernier ).
Pour l'essentiel, André Cicolella revient sur le cas de son collègue Pierre Meneton, traduit en justice (aujourd'hui, 31 janvier) pour avoir dénoncé le poids des lobbies dans le domaine de la santé - et notamment celui des producteurs de sel et du secteur agroindustriel...
Et, sur le même sujet, le Canard enchainé du 30 janvier se fend d'un article : "Une plainte qui ne manque pas de sel", qui démarre par :
"C’était il y a cinq ans, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) demandait urbi et orbi que soit réduite de 20% d’ici à 2007 la quantité de sel dans notre assiette. A l’origine de cette supplique, reprise par l’OMS, un chercheur à l’Inserm, Pierre Meneton. Lequel avait tiré la sonnette d’alarme sur les 75 000 accidents cardiovasculaires –dont 25 000 décès- provoqués chaque année par la montagne de sel déversée en loucedé dans nos plats cuisinés, soupes en sachet, biscuits, etc. Il faut dire que le sel caché vous redope pour trois francs six sous le goût des produits bas de gamme, leste tous les aliments vendus au poids ou encore vous fait boire jusqu’à plus soif, pour le plus grand bonheur des marchands de sodas et d’eau minérale (...)"
re-re PS (12 février)
Et à propos du sel dans l'alimentation, un article paru hier dans FoodBusinessNews.net (LexisNexis) rapporte que la Food and Drug Adminstration (FDA, l'autorité américaine de protection des aliments) étudie la possibilité de ne plus classer le chlorure de sodium (sel) comme GRAS (ici, GRAS signifie "generally recognized as safe").
Le sel qui ne serait plus reconnu comme sain... Bien évidemment, cela fait débat.
Et l'article cité relève les positions des représentants ... de l'industrie du sel, mais aussi de certains diététiciens plus favorables à un étiquetage permettant de savoir ce qu'on ingère qu'à des mesures aussi radicales. Mais il faut garder à l'esprit que tout ce qui ressemble à de la réglementation a plutôt mauvaise presse là-bas.
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