Le 13 novembre, le Parlement européen approuvait, en la modifiant, la proposition de modification de la directive 2003/87/CE afin d'intégrer les activités aériennes dans le système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre.
En effet, jusqu'ici, l'aviation échappait à tout quota ou écotaxe, et a doublé ses émissions de gaz à effet de serre (GES) depuis 1990 ! Il s'agissait donc d'appliquer à ce secteur la directive établissant un système d’échange de quotas d’émission de GES dans la Communauté, qui ne concernait que les grandes installations industrielles.
Mais la proposition de la Commission européenne n'était pas suffisante aux yeux du Parlement européen qui a amélioré sur plusieurs points le texte d'origine.
Ainsi, le quota distribué, que la Commission voulait plafonner à 100% des émissions de la période 2004-2006, a été réduit à 90% (après une bataille d'amendements : le rapport de la commission environnement prévoyait au départ un plafonnement à 75%, le chiffre retenu résulte donc d'un compromis).
De même, les rachats de quotas seront limités, obligeant ainsi les compagnies à faire en interne leurs propres effort ; en outre, les quotas ne seront pas distribués gratuitement à celles qui sont déjà installées, mais seront partiellement vendus aux enchères.
Une avancée importante, donc.
Mais ce qui m'a intéressé, c'est de voir comment nos euro-députés se sont comportés dans un tel dossier...
Les explications de vote (il s'agit ici de celles sur le rapport Liese, de la commission environnement du PE) sont une source d'information ; sans surprise, on lira, par exemple, comment Hans-Peter Mayer (PPE-DE) [Groupe du Parti populaire européen (Démocrates-chrétiens) et des Démocrates européens] se base sur les déclarations au Parlement européen, le même jour, de Sarkozy, pour justifier sa tiédeur devant ce qu'il appelle des mesures excessives...
Très édifiante aussi, la déclaration écrite de Robert Goebbels (PSE) (Luxembourg, vice-président du groupe) qu'il convient de citer en entier :
"Je n'ai pas soutenu le rapport qui vise à inclure les émissions de CO2 provenant de l'aviation dans le système d'échange d'émission de l'Union européenne.
Le protocole de Kyoto avait exclu l'aviation. Alors que la très grande majorité des Etats du globe n'observent pas Kyoto, l'Union européenne veut faire plus que ne l'exige ce protocole.
Cet idéalisme est beau intellectuellement, mais ne sauvera pas la planète, qui d'ailleurs n'est pas en danger en tant que telle.
Mais l'Europe est en train de sacrifier toutes ses industries, y compris l'aviation, sans effet notable pour le climat. Je proteste."
(tout commentaire serait superflu !)
Les votes sur la proposition de modification de la directive ont été nombreux, et plusieurs amendements ont fait l'objet de votes séparés dont les résultats sont publiés.
Je ne relèverai ici qu'un seul de ces votes, parce qu'il me parait (je peux me tromper..) à la fois représentatif du débat, et révélateur dans ses résultats. Il s’agit du vote sur l’amendement qui modifie la proposition de la Commission concernant l’article 3 ter, paragraphes 1 à 3, de la directive 2003/87/CE.
La Commission proposait d’attribuer des quotas d’émission à 100 % des émissions historiques ; l’amendement du Parlement vise à limiter à 90 % ce quota (c'est l'aboutissement d'une bataille qui partait d'une limitation à 75%). C'est ainsi, au final, une amélioration - même si elle aurait pu être plus marquée.
Cet amendement a donc rencontré un certain consensus, puisque de nombreux parlementaires des deux grands partis (PPE-DE et PSE) l’ont voté, de même que les Verts : il a été adopté par 576 voix contre 77 et 25 abstentions (il y a 785 parlementaires en tout).
Ont ainsi voté en faveur de cet amendement (je n'ai pas relevé les indépendants et non inscrits) :
- la quasi-totalité du groupe ALDE : 90 sur 104 (dont 10 français [UDF] sur les 11 appartenant à ce groupe) ;
- un peu plus de la moitié du groupe GUE/NLG [Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique] : 27 sur 44 (pas de français, sur les 3 inscrits à ce groupe) ;
- la majorité du groupe PPE-DE [parti populaire européen (chrétiens-démocrates) et démocrates européens] : 238 sur 278 (dont 15 français [UMP] sur les 17 de ce groupe) ;
- la majorité du groupe PSE [groupe socialiste au Parlement européen] : 164 sur 218 (mais dont 9 français seulement sur les 31 du groupe : Arif, Bourzai, Castex, Douay, Navarro, Pribetich, Rocard, Vaugrenard, Vergnaud) ;
- une partie minoritaire du groupe UEN [Union pour l'Europe des nations] (souverainistes, euroseptiques - essentiellement de Pologne et d'Italie) : 14 sur 44 (pas de français dans ce groupe) ;
- la grande majorité du groupe Verts/ALE (ALE : régionalistes) : 34 sur 42 (dont les 4 français présents, sur les 6 du groupe : Bennahmias, Flautre, Lipietz, Onesta).
En revanche, le vote contre était plus typé :
- la majorité du groupe ITS (Identité, tradition, souveraineté : l'extrême-droite souverainiste)(groupe dissous le lendemain, après le départ des députés roumains) : 13 sur 23 (dont tous les 7 français du groupe : Gollnisch, Lang, Le Pen Jean-Marie, Le Pen Marine, Le Rachinel, Martinez, Schenardi) ; les autres se sont abstenus (6) ou n'ont pas voté ;
- quelques parlementaires du PPE-DE (12 sur les 278, aucun français)
- près de la moitié du groupe UEN (souverainistes) (pas de français)
- une toute petite minorité du PSE (20 sur les 218), mais quasiment que des français (16 sur ces 20) soit près de la moitié des 31 socialistes français siégeant au PSE : Berès, Bono, Carlotti, Cottigny, Ferreira Anne, Guy-Quint, Hamon, Laignel, Le Foll, Lefrançois, Lienemann, Neris, Patrie, Peillon, Roure et Savary....
Bref, la gauche du non, en triste compagnie.
Révélateur, non ?
PS. J'avais commencé de rédiger cette note lorsque j'ai pris connaissance de celle d'Alain Lipietz sur son blog, où il évoque mieux que moi les enjeux de ces débats ; j'ai cru devoir souligner, dans un commentaire à son article, les éléments que je relève ici. Il a réagi en soulignant la complexité de l'utilisation à des fins critiques de tels résultats de vote, mais n'a pas manqué de relever ce qui m'avait aussi frappé : l'alliance des extrèmes contre toute avancée.
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