Un intéressant point de vue de M. Kotis Kafatos, délégué de l'Académie des sciences, dont il est associé étranger, souligne la nécessité du partage de la science ; il suggère, après la création récente du conseil européen de la recherche, de songer à celle d'un centre d'excellence en Afrique, avec le soutien de l'Union européenne.
Toutefois, dès le premier paragraphe de cet article, une phrase a attiré mon attention (*) :
"Il est hors de question que la science, confrontée aux objections métaphysiques d'un mouvement politique bien organisé dans les pays prospères, puisse renoncer à une méthodologie..."
Quelle est donc la base scientifique justifiant l'usage des termes "objections métaphysiques d'un mouvement politique bien organisé" pour désigner "ce" à quoi serait, malheureusement, confrontée la science ?
Par quels faits avérés est étayé un tel jugement de valeur ?
Et pourquoi sa cible est-elle occultée ?
Qui est ce mouvement politique bien organisé - le chef d'orchestre clandestin ?
Il s'agit sans doute - ce n'est qu'une supposition, bien sûr - de faire très subtilement (!) allusion (très scientifique, ça) à ces ONG qui prétendent émettre quelques doutes quant à l'absolu manque de danger de certains OGM (ou de certains pesticides,... ou de l'amiante, par exemple).
En tout état de cause, ce viril et péremptoire : "il est hors de question" dénote une capacité évidente à l'exercice de l'autorité incontestée ; et représente un curieux (et très décourageant) prémisse à toute réflexion scientifique...
Et pourtant, n'avons nous pas, plus que jamais, besoin de lanceurs d'alerte ?
Or, confondre les lanceurs d'alerte avec les "prophètes de malheur", qui cherchaient à convaincre l'humanité de l'imminence de l'Apocalypse, est tout de même quelque peu réducteur.
Il s'agit pourtant de deux rôles bien distincts ; et il doit être possible, en rendant visible les procédés mis en oeuvre pour porter un jugement sur la réalité du danger ou du risque, d'évaluer la nature éventuellement "incompétente", "maladive" ou "malveillante", des porteurs de messages.
C'est un des aspects relevés dans le cadre d'une étude publiée par deux chercheurs du Groupe de sociologie politique et morale (CNRS-EHESS), "Les Sombres précurseurs. Une sociologie pragmatique de l'alerte et du risque" .
En bref : "Les lanceurs d'alerte ont un rôle essentiel, ces sombres précurseurs redonnent à l'inquiétude toute sa positivité et témoignent de l'importance de l'invention de nouvelles formes de vigilance."
Il est vrai que lanceur d'alerte, ce peut être une activité à risque... Et que l’idée de l’instauration, via le droit international du travail, d’une clause de conscience protégeant les “lanceurs d’alerte” fait son chemin.
(suite, 9.11.2007)
De même, l'idée d’une haute autorité de l’expertise, capable d’encadrer d’une manière générale les procédures d’expertise, et qui permettrait entre autres d'assurer la protection des lanceurs d'alertes, est mise en avant, après le Grenelle de l'environnement, par Marie-Angèle Hermitte, directeur de recherche au CNRS, juriste spécialisée dans le droit des sciences et techniques (source : newsletter quotidienne du journal de l'environnement, 8 novembre 2007, envoyant sur l'article du JDLE).
En particulier, est rappelé à cette occasion l'arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 11 octobre 2000 (n° 98-45276, INRS c/ M. Cicolella) : le pourvoi de l'INRS (ainsi rejeté) visait à casser l'arrêt de la cour d'appel de Nancy selon lequel le licenciement de M. Cicolella était injustifié, et qui condamnait l'employeur à des indemnités de rupture et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que pour procédure brutale et vexatoire.
(Suite, 16/11/2007)
Sur ces sujets, voir, bien évidemment, le site de la fondation "Sciences Citoyennes", et notamment la rubrique relative aux lanceurs d'alerte scientifiques ; vous pourrez aussi apporter votre soutien aux lanceurs d'alerte qui en ont actuellement besoin (voir les pages d'information - et les pétitions si vous le souhaitez - sur Christian Vélot et sur Pierre Méneton).
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(*) PS. Je n'avais pas songé à réagir lors de la parution de cet article ; c'est en le retrouvant dans la sélection périodique de [lettreinfopgm] Lettre 109 (29 octobre 07) que ma curiosité a été ravivée ; j'ai en effet classé ce bulletin de news (publié sous couvert de l'université Joseph Fourier, Grenoble) dans la catégorie des "sources d'information orientées" systématiquement favorables aux OGM...
Mais j'y reviendrai ; l'abonnement à ce bulletin est présenté comme "un bref courriel, pour TOUS PUBLICS, qui résume les informations validées sur les OGM et sur d'autres sujets de débats (BIODIVERSITE, CLONAGES, BIOTECHNOLOGIES, NANOTECHNOLOGIES...)".
On constate sans peine le rapport évident entre cette définition de contenu et l'article publié dans le Monde et dont je parle ici.
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