Bien mauvaise nouvelle, que cet "avis aux lecteurs" paru au Journal officiel de l'Union européenne ce matin :
"Les institutions ont décidé de ne plus faire figurer dans leurs textes la mention de la dernière
modification des actes cités.
Sauf indication contraire, les actes auxquels il est fait référence dans les textes ici publiés
s’entendent comme les actes dans leur version en vigueur."
Il ne s'agit, me direz-vous, que d'un aspect purement formel, dont pas grand'monde se souciait - d'ailleurs, qui lit le JO ?
Peut-être ; néanmoins cette indication systématique, lorsqu'un texte règlementaire est cité, des références de l'acte qui l'a modifié, ou, s'il a été modifié à plusieurs reprises, de celui qui l'a modifié en dernier lieu, représentait un moyen simple, élégant et redoutablement efficace de vérifier la cohérence de ses informations, et, en cas de besoin, de reconstituer l'évolution d'un texte.
Bien sûr, ces informations sont accessibles dans les bases de données telles qu'Eur-Lex ; mais pas en temps réel - et, en tout état de cause, cela représente une recherche d'information supplémentaire qui était jusque là immédiatement disponible (généralement sous forme de note de bas de page) dans le texte lui-même.
Une telle information présentait, outre la rigueur documentaire - toujours précieuse en matière de droit - un intérêt opérationnel non négligeable, en particulier lorsqu'il s'agit d'amender des dispositions qui le sont relativement fréquemment. La détermination de la version sur laquelle porte la modification est essentielle à sa bonne intégration ; poser comme règle que la modification porte sur un acte "dans sa version en vigueur" relève d'un art prononcé de la litote qui ne justifie en rien la suppression d'une information précisément destinée à en vérifier l'identification.
Alors, qu'est-ce qui a pu motiver une telle décision ? Sans doute un souci de "simplification". La "date de la dernière modification" d'un texte règlementaire ne doit, en effet, pas être confondue avec les dates d'application de chacune des dispositions du texte modificateur, qui peuvent être distinctes et différées dans le temps - voire même rétroactives dans certains cas. On voit que des confusions sont susceptibles d'intervenir, entre la date d'entrée en vigueur d'un acte modificateur et sa(ses) date(s) d'application éventuelle(s) : lorsqu'il est mentionné "modifié en dernier lieu par ..", quelle est la date qui détermine la dernière modification dont il est question ?
Cette difficulté ne peut être résolue qu'en identifiant clairement la portée de l'expression "modifié en dernier lieu par" ; une telle formule était jusqu'à présent utilisée pour désigner l'acte le plus récent ayant apporté une modification au texte publié. Que cette modification ait été définie comme devant prendre effet à une date ultérieure, par exemple, relève de ses modalités, et ne rend pas pour autant inexact le fait qu'elle ait été publiée dans l'acte modificateur cité. Et c'est bien cette information-là qu'il est important de connaître, aux fins de "traçabilité" des évolutions de l'acte de base : quel est l'acte le plus récent porteur d'une modification (le traitement de ladite modification relevant, lui, d'informations complémentaires telles sa date d'effet).
Mais j'aimerais être sûr que cet appauvrissement sous vraisemblable prétexte de simplification ne soit pas lié à un dégat collatéral de la présidence française.
En effet, une des caractéristiques du droit français réside dans la faiblesse de sa documentation. Héritage sans doute d'une conception monarchique ou impériale de l'édiction des règles, les habitudes rédactionnelles hexagonales excluent nombre d'informations que le droit communautaire (bien plus récent, et confronté à la richesse et aux caractéristiques des multiples droits nationaux) a su, jusqu'à présent, intégrer avec bonheur.
Il n'est que de comparer les méthodes utilisées pour citer des textes dans les visas :
Ainsi, entre un :
"vu l'arrêté du 2 octobre 1997 modifié relatif aux additifs pouvant être employés dans la fabrication des denrées destinées à l'alimentation humaine ;"
et un
"vu la directive 2002/32/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mai 2002 sur les substances indésirables dans les aliments pour animaux (1), et notamment son article 8, paragraphe 1,"
______
(1) JO L 140 du 30.5.2002, p. 10. Directive modifiée en dernier lieu par la directive 2006/77/CE de la Commission (JO L 271 du 30.9.2006, p. 53).
on mesure l'écart...
(exercice : en combien de temps aurez-vous trouvé et pu consulter le texte des dispositions les plus récentes qui ont modifié chacun des textes cités ici ? Vous avez le droit d'utiliser "Légifrance" pour le premier, et "Eur-Lex" pour le second ; d'autres sources peuvent exister)
Supprimer l'indication de la dernière modification des textes cités rapproche, certes, la rédaction du droit communautaire de celle du droit français.
Cela ne me parait pas représenter un progrès...
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.