Officialisation du cadeau de Noël pour les sans-papiers...
Depuis le 24 décembre dernier, date limite pour la transposition en droit national d'une directive communautaire (1), les dispositions de cette "directive retour" sont devenues directement applicables dès lors qu'elles sont suffisamment précises et inconditionnelles.
Or cette directive prévoit en particulier (2) que les décisions de retour prises à l'encontre du ressortissant d'un pays tiers en situation irrégulière sont assorties d'un délai de retour volontaire de sept à trente jours. L'étranger qui doit quitter notre pays peut en effet préférer le faire de lui-même, en organisant son départ selon ses propres contraintes - familiales, par exemple !- et préférences, plutôt que d'y être obligé par la force, d'être menotté dans un avion et accompagné par une escorte policière jusque dans son pays...
Mais le droit français (en l'occurrence l'article L.511-1 II du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, CESEDA) ne prévoit pas qu'un tel délai soit appliqué dans le cas des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière (APRF, de sinistre réputation). En effet, la directive retour n'a (comme c'est fréquemment le cas) pas été transposée dans les délais en droit français.
Aussi, depuis le début de l'année, les tribunaux administratifs sont saisis de requêtes en annulation d'APRF fondées sur l'illégalité des dispositions nationales incompatibles avec la directive communautaire. Et de nombreux magistrats donnent suite à ces requêtes et annulent les décisions administratives en cause. Toutefois, les jugements des tribunaux administratifs ne sont pas constants, et le Tribunal administratif de Montreuil a soumis au Conseil d'Etat une demande d'avis sur l'invocabilité en droit interne de certaines dispositions de cette directive.
Cet avis (3) vient d'être rendu aujourd'hui. En résumé, il confirme que les articles concernés de la "directive retour" sont à présent d'effet direct, et déclare incompatibles avec cette directive les dispositions du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne prévoient pas un délai de retour volontaire dans les décisions de reconduite à la frontière (en tous cas, pour les cas les plus fréquents).
J'ai pu aider de nombreux étrangers "sans papiers" à exercer leurs droits (parce que, pour ceux qui en douteraient, les citoyens de pays tiers sont aussi des êtres humains, et ils ont des droits). Je suis réconforté de voir que le Conseil d'Etat a ainsi validé les arguments soulevés dans les recours que, comme les autres bénévoles de la CIMADE ou d'autres organisations, nous avons permis à ces étrangers de déposer devant les tribunaux administratifs.
Grande victoire pour les citoyens de pays tiers frappés, dans notre pays, d'arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière du simple fait qu'ils "n'ont pas les papiers" !
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(1) Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JOUE L 348 du 24.12.2008, p. 98).
(2) D'autres dispositions de cette directive représentent, en revanche, une grave régression par rapport à la situation actuelle dans notre pays (par exemple : la durée de la rétention administrative peut être portée à 18 mois, contre 32 jours actuellement en France) - même si elles améliorent des mesures dramatiques en vigueur dans certains Etats membres (la durée de la rétention est de dix-huit mois au maximum en Allemagne, vingt mois en Lituanie, et illimitée au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et au Danemark) ; cette directive, lors de son élaboration, avait été nommée "directive de la honte"...
(3) CE, avis du 21 mars 2011, MM. J. et T., n° s 345978 et 346612.
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