(Note : dans la mesure où l'épisode narré ici est rigoureusement exact, j'ai jugé préférable, par correction... et par prudence, d'anonymiser le nom de mon interlocuteur et celui de la banque)
Monsieur [---- -------]
Directeur d'entité - Responsable de secteur
[Banque]
[----- -- -- ----------]
95000 CERGY
Cergy, ce 23 mars 2010
Monsieur le Directeur,
Par courrier du 1er mars dernier, je vous faisais part, en tant que client de votre banque, de mon questionnement sur la nature des opérations que vous effectuez dans les paradis fiscaux, et je vous exposais mon souhait d'obtenir des explications détaillées sur votre présence et les activités que vous y menez.
Pour me communiquer votre réponse, vous m'avez proposé un rendez-vous le 20 mars ; en l'absence ce jour là de la directrice de l'agence, vous teniez à me recevoir vous-même, en tant que responsable des agences du secteur de Cergy ; une telle démarche (vous auriez pu vous vous contenter d'un courrier standard pré-rédigé...) témoigne d'un intérêt particulier pour ce sujet, et je vous remercie de votre accueil.A cette occasion, vous m'avez exposé la politique de qualité et de transparence de la [Banque], en soulignant notamment la clarté de vos comptes, par la consolidation de ceux du groupe et l'exigence de leur certification systématique, ainsi que le fait que plus de 2 000 personnes étaient spécifiquement attachées à des fonctions de contrôle et de suivi de l'éthique de vos opérations; quant à la question précise sur la présence de la [Banque] dans les paradis fiscaux, vous m'avez informé, en soulignant l'importance de cette décision, du choix de votre groupe de "suivre les décisions du G20" et de "se retirer totalement d'ici fin 2010 des paradis fiscaux de la liste grise de l'OCDE".
J'ai cru devoir vous faire observer que la certification des comptes de la Grèce est apparue comme lui ayant surtout permis d'occulter la réalité de ses déficits, et que les comptes de Lehmann Brothers avaient également été certifiés avant sa faillite. Quant au retrait de la [Banque] de "tous les paradis fiscaux de la liste grise de l'OCDE", j'ai attiré votre attention sur le fait que la liste actuelle était artificiellement vidée de la quasi totalité des paradis fiscaux par un artifice dans la comptabilisation des accords bilatéraux : les pays visés se sont souvent bornés à signer des accords avec d'autres paradis fiscaux partageant la même philosophie de la discrétion ! Un contrôle de conformité des accords de coopération fiscale en vigueur est toutefois engagé depuis le début du mois par le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales, organisation fiscale internationale placée sous l'égide de l'OCDE : il serait, pour le moins, cohérent que ce soit la liste ainsi révisée qui détermine votre position.
Enfin, s'agissant de la question précise que je vous posais, relative à la nature de l'activité de votre groupe dans ces paradis fiscaux, vous n'y avez aucunement répondu. Je vous ai rappelé que, selon le recensement effectué par la revue "Alternatives économiques", la [Banque] disposait de 189 filiales dans les paradis fiscaux, et j'ai, notamment, évoqué à titre d'exemple le cas des îles Caïman, minuscule territoire où vous n'aviez pas moins de 21 filiales ! Vous n'avez pu que me répéter qu'il vous était impossible de m'en dire plus.
Il me reste à vous renouveler mes remerciements pour la correction de votre accueil, et à vous réitérer mon souhait que vous puissiez transmettre ma question : "quelle est exactement la nature des activités des 21 filiales de la [Banque] dans les iles Caïman" à vos supérieurs hiérarchiques, avec l'espoir qu'une réponse circonstanciée pourra ainsi m'être apportée.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Directeur, l'expression de mes salutations respectueuses.
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Pour en savoir plus :
L'enquête d' "Alternatives économiques" sur la présence des entreprises du CAC 40 dans les paradis fiscaux
Une des fiches pratiques de la Campagne "Stop Paradis fiscaux" : Que font les banques et les fonds spéculatifs dans les paradis fiscaux ?
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